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L'UMP, vers un pouvoir sans contre-pouvoir
Le système du Quinquenat, en liant le scrutin présidentiel et les élections législatives, entraîne certains effets pervers dont le moindre n'est pas de faire intervenir le vote législatif en plein "état de grâce", la période suivant l'élection d'un président, ce qui rend quasi inévitable l'arrivée d'une forte majorité présidentielle au palais Bourbon. Certes, la possibilité de disposer d'une majoritée absolue à la chambre donne les mains libres au gouvernement pour appliquer le programme pour lequel il a été élu. Malheureusement, la nature présidentielle de notre régime et l'existence de l'article 49,3, ont pour effet de couper court aux débats démocratiques qui sont la seule raison d'être du Parlement. Aujourd'hui, les sondages créditent l'UMP d'intentions de vote de l'ordre de 40%. Par le biais du scutin uninominal à deux tours par circonscription,ces 40% pourraient se transformer en plus de 400 sièges sur les 577 que compte l'assemblée, soit 70% des députés appartenant à la seule UMP. Cette domination d'un seul parti à la chambre serait sans précédent. Pour mémoire les précédents records datent de 2002 (365 sièges sur 577 pour l'UMP) et avant cela de 1981 (285 sièges sur 491 pour le PS). En pratique si l'UMP obtient 390 députés et que l'on y ajoute ses 155 sénateurs (sur 331), le parti présidentiel détiendra 60% des deux chambres réunies. Or selon l'article 89, ces 60% constituent justement le seuil nécessaire pour faire adopter une révision de la constitution par le parlement réuni en congrés. Ce cas de figure ne s'est encore jamais produit, un seuil élevé étant justement censé nous prémunir contre cette éventualité. Si cela devait advenir, non seulement le parti présidentiel contrôlerai tous les leviers du pouvoir exécutif et législatif, ainsi que l'ensemble des organes de régulation, mais de plus nous ne pourrions plus compter sur les limitations imposées par la constitution, car il aurait la possibilité de la modifier à sa guise. Je ne préjuge pas des intentions du parti au pouvoir aujourd'hui et je ne prétends pas disposer des connaissances nécessaires pour porter un jugement qualifié sur sa future politique sociale ou économique. Cela ne m'empêche pas de m'inquiéter des dérives possibles d'un pouvoir dépourvu de contre-pouvoir. Ces dérives n'ont pas besion d'être autoritaires pour avoir des conséquences désastreuses sur l'avenir de notre société. Des prises de position récentes sur l'accès aux données et aux communications informatiques personnelles, sur le brevetage du vivant, sur l'assouplissement des règles de bioéthique, ou sur le fichage biométrique, voire ethnique, me font regretter que les décisions dans ces domaines puissent être prisent à l'avenir sans discussions. Nous serions de fait dans un régime de parti unique (ne représentant au mieux que 40% de la population) dont il ne nous restera plus qu'à espérer qu'il sera bienveillant car, de toute façon, nous ne pourrons plus rien y faire. Comme le disait Lord Acton : "Tout pouvoir corrompt, mais le pouvoir absolu corrompt absolument".
M. Aspic
Aujourd'hui dans la page courrier de Libération.
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