La fille du 14 juillet
Attention, ce film est un OVNI. Inclassable, irrévérencieux, déroutant, mais a quelque chose qui vous fait l'aimer.
L'histoire d'un garçon, gardien de musée qui rencontre une fille dont il tombe amoureux. Il lui demande son nom "Truc". C'est pas féminin comme nom ? Ca sera "Truquette" ! Il partent en vacances avec deux copains : la meilleure amie de Truquette et un gars fuyant la police pour pratique frauduleuse de la médecine. Dans leur périple vers le sud (lot et garonne) ils vont se perdre... et se retrouver à la fin de l'histoire. Entre-temps, ils auront retrouver le médecin Placenta (lui aussi poursuivi pour exercice illégal de la médecine) croisez les juilletistes remontant vers la capitale, j'en passe et des meilleures ! On boit et on fume beaucoup aussi dans ce film.
Bref, je vous l'ai dit complètement irrévérencieux !
Voici la critique de Bruno Icher dans "libération" du 04 juin dernier :
Jusqu’à des temps très récents, l’interminable visionnage de centaines de diapositives illustrant les vacances au Maroc des voisins de palier pouvait être considéré - à juste titre - comme l’un des supplices les plus raffinés du monde occidental. Avec la sortie en salles, aujourd’hui, de la Fille du 14 juillet, il n’est pas impossible de croiser des jeunes gens hilares qui, sans raison cohérente, peuvent se mettre à beugler «soirée diapo !» en se gondolant de rire. Inutile de leur demander des explications, ils seront incapables d’en fournir, car cette scène, issue du premier long métrage d’Antonin Peretjatko, ne se raconte pas. Tout comme le reste du film d’ailleurs, qui se partage entre initiés.
C’est le privilège des très bonnes comédies burlesques de n’appartenir qu’à un espace exclusivement visuel qui se passe presque de dialogues et totalement d’explications. En dépit d’un budget poids plume, Peretjatko a trouvé mille astuces pour inclure dans son film une solide dose de poésie irréelle. Certaines relèvent d’un pur comique de situation, d’autres sont d’un ordre plus technique. Plusieurs séquences, dont celle d’ouverture, filmée au petit matin de la fête nationale alors que la place de l’Etoile grouille de militaires, ont été tournées à une vitesse légèrement trop rapide. L’effet produit, presque imperceptible, donne à chaque démarche, chaque geste, chaque regard, une distorsion juste assez bizarre pour susciter l’amusement sans basculer dans le grotesque.
Parade. Puisqu’il faut quand même fixer un cadre à cette affaire, la fameuse «fille du 14 juillet» est une jolie brunette possédant un charme insouciant qui n’est pas sans rappeler celui d’Anna Karina, époque Godard. Il faut dire qu’elle aussi fait la fofolle dans les couloirs du Louvre, non pas pour battre le record de la visite comme dans Bande à part, mais pour approcher les beaux yeux d’un gardien de musée qui s’emmerde à cent sous de l’heure. La parade amoureuse fait son petit effet car Hector, le gardien taciturne, n’a dès lors plus qu’un but dans la vie, revoir la fille qui, avant de s’évanouir dans la nature, lui a dit qu’il pouvait l’appeler«Truc». «Oui, mais c’est pas un nom de fille, ça ?» avait répondu Hector, plein d’à-propos. «Alors, appelle-moi Truquette.»
Commence alors un road-movie dans lequel Hector ne cesse de perdre et de retrouver Truquette, entre Paris et les plages médiocrement ensoleillées d’une station balnéaire qui semblait figée dans l’attente d’un successeur à Jacques Tati. Dans leur périple, les héros croisent le chemin d’un escroc en fuite qui exerçait illégalement la médecine (Vincent Macaigne), la blonde Charlotte qui raconte les histoires les plus assommantes de l’histoire, un vieux dingo confit dans l’alcool, un maître-nageur obsédé sexuel, un étudiant à la coupe de cheveux très discutable, des bandits déguisés en gangsters (à moins que ce ne soit le contraire) ou un garde champêtre atrabilaire armé d’un fusil à double canon. Leur route est aussi un sacré résumé visuel d’un pays déglingué, coincé entre une modernité bidon et une tradition du terroir qui sent le moisi.
Cet élément du film, a priori, ne devrait pas prêter à rire. Car cette brochette de personnages semblant relever de la psychiatrie lourde évolue dans un contexte de crise noire. Personne ne bosse sérieusement, ou alors juste pour survivre, personne ne nourrit le moindre espoir sur rien et, pour couronner le tout, radios et télévision ne cessent de répéter en boucle que le gouvernement vient d’avancer la rentrée d’un mois pour faire rentrer l’argent frais dans les caisses. Et voilà le tout dernier bonheur éphémère de cette ribambelle de cabossés qui s’envole dans l’air chaud d’un mois de juillet qui s’achève. Or, en dépit des multiples clins d’œil que fait le film à la Révolution française, à commencer par le titre, personne ne songe une seconde à entrer en rébellion pour mettre la rue à sac et le feu aux institutions. Chacun subit son sort, sans docilité excessive mais sans la moindre envie d’insurrection non plus.
Tact. A ce titre, la Fille du 14 juillet, qui convoque avec tact de multiples influences de la comédie (depuis la dentelle à la mode Jacques Rozier ou Blake Edwards jusqu’au rouleau compresseur pur slapstick), fait surtout penser à un hommage à Stendhal et à sa célèbre devise. L’auteur de la Chartreuse de Parme inscrivait systématiquement au bas de ses lettres, juste au-dessous de sa signature, les initiales «SFCT» : «Se foutre carrément de tout.»
LA FILLE DU 14 JUILLET d’ANTONIN PERETJATKO avec Vimala Pons, Grégoire Tachnakian, Vincent Macaigne… 1 h 28.